Il occupe depuis près de quatre ans l’aile Ouest de la Maison-Blanche, aux côtés et dans l’ombre de Donald Trump. Récemment objet de toutes les attentions lors de l’hospitalisation du Président américain, il s’est tenu prêt à le remplacer comme sa fonction l’impose. Depuis, en pleine campagne pour sa réélection comme Vice-Président des États-Unis, Mike Pence multiplie les apparitions, sillonnant une Amérique fracturée qu’il veut fédérer autour de valeurs chrétiennes, conservatrices et républicaines.

Une ascension politique méthodique

Le père de Mike Pence n’aimait ni les avocats, ni les Hommes politiques. Son fils aura pourtant embrassé deux carrières, dans ces deux professions, trouvant en la seconde une véritable vocation. Dès l’âge de 15 ans, le jeune Michael Pence, grandissant dans la classe moyenne américaine, s’intéresse à la vie publique et s’amuse à collecter des coupures de journaux sur le Président Kennedy. Il s’engage comme bénévole au Parti Démocrate, pour lequel votent ses deux parents, dans le comté de Bartholomew, en plein cœur de l’Indiana.

Toutefois, c’est en rupture avec l’idée d’un libéralisme moderne et social qui l’a vu grandir que Mike Pence traduit cet intérêt en réel engagement politique. Après ses études, devenu avocat d’entreprise, il entame en 1988 sa première campagne électorale, sous la bannière des Républicains. À 29 ans, il ne parvient pas à être élu à la Chambre des Représentants et à renverser les Démocrates alors en place. Deux ans plus tard : nouvelle élection, même échec pour Mike Pence. Ses campagnes électorales agressives, émaillées de distributions de tracs caricaturaux et de diffusions de fausses informations sur son adversaire, n’ont pas convaincu les électeurs de l’Indiana.

Pence et le Président Ronald Reagan, dans la Blue Room de la Maison Blanche, en août 1988. Crédits photo : Bureau de Mike Pence

Pour être enfin élu au Congrès, en 2000, Pence change de stratégie. Il s’érige en penseur de la vie politique américaine, partageant ses analyses dans une émission de radio dont il devient l’animateur. À la recherche du consensus, il commence à nuancer les discours du Parti Républicain, afin de séduire un électorat plus large, dans un district peu réceptif à ses précédentes prises de positions radicales. Ainsi parvient-il à gagner les bancs de la Chambre des Représentant, façonné par ses échecs et poursuivit par quelques contradictions idéologiques ; il arpentera néanmoins les allées du Congrès pendant plus de 12 ans, se construisant un réseau et un socle politique particulièrement solide.

De fil en aiguille, il se rend indispensable aux Républicains, en étendant son influence au Parlement, dans le Parti, et même jusqu’à la Maison-Blanche. En 2013, il quitte le législateur et devient Gouverneur de l’Indiana, après une campagne électorale intense. C’est alors qu’il apparaît comme une figure républicaine presque incontournable, notamment en 2016 lors de l’Élection présidentielle. Il rencontra à cette occasion Donald Trump, avec qui il sympathise ; après l’avoir combattu lors des Primaires, Mike Pence se rallie au milliardaire, qui en fait son colistier. La longue expérience politique de Pence, son réseau, sa connaissance du terrain comblent les lacunes de Trump, candidat novice dans la sphère politique.

Une Amérique ultra-conservatrice

Si Mike Pence a rompu avec son engagement démocrate, c’est entre autres à cause des positions de son parti en faveur de l’avortement. Fervent catholique, devenu évangéliste durant ses études, la vision traditionnelle de la famille portée par les Républicains lui convenait davantage. « J’ai donné ma vie à Jésus-Christ, et cela a tout changé », a déclaré Pence en 2010 ; ce dernier a d’ailleurs, un temps, envisagé d’entrer dans les ordres pour devenir prêtre. Cet engagement spirituel se confond bien souvent avec le parcours politique de Mike Pence. En 2015 par exemple, alors qu’il gouverne l’Indiana, il fait voter une loi donnant aux entreprises le droit de refuser de servir des clients homosexuels, au nom du respect des croyances et des « libertés religieuses » de leurs propriétaires. Face à l’indignation de l’opposition, il sera contraint de modifier une loi jugée « homophobe » par les Démocrates.

Lorsque Donald Trump a choisi Pence pour figurer sur le bulletin de vote républicain en 2016, beaucoup d’observateurs ont présenté son colistier comme une « caution chrétienne », qui permettrait au candidat Trump d’élargir son socle électoral. Il faut dire que Mike Pence n’est pas un simple croyant : créationniste, il affirme en 2009 que « Dieu a créé le ciel, la terre, les mers et tout ce qu’ils contiennent ». Il rejette les explications scientifiques de l’évolution, au profit d’interprétations bibliques. Pour lui, l’Homme ne peut donc pas être responsable du réchauffement climatique, par exemple, parce qu’il n’a pas d’emprise sur de tels phénomènes. Par ailleurs, il nie, comme le fait le Président Trump, son existence même : « La planète est plus froide, en réalité, qu’elle ne l’était il y a 50 ans », a-t-il notamment déclaré.

Depuis qu’il est Vice-Président, Mike Pence n’hésite pas à mettre en scène ses convictions. Son épouse, la Second Lady Karen Pence, prononce parfois des discours avant son mari, rappelant les valeurs traditionnelles et familiales qu’ils partagent. Sur les réseaux sociaux, la famille Pence au complet diffuse aussi ces messages : même leur lapin, Marlon Bundo Pence, a un compte Instagram suivi par 34 000 personnes. Des livres pour enfants, écrits par une des filles de Mike Pence, mettent en scène le petit animal à Noël ou aux côtés du Vice-Président dans son intimité familiale.

Le couple Pence présentant leur lapin à des jeunes Américains venus visiter leur résidence officielle à Washington : le Number One Observatory Circle. Crédits photo : Getty Images

Number One Observatory Circle

Depuis le 20 janvier 2017, date à laquelle il s’est installé au n°1 du rond-point de l’Observatoire, le domicile vice-présidentiel, Mike Pence joue dans l’ombre un rôle d’influence auprès du Chef de l’Etat et des parlementaires américains. Il préside d’ailleurs le Sénat, comme la constitution l’exige. Son rôle n’est pas uniquement d’attendre la démission ou le décès du Président afin de le remplacer, comme beaucoup d’Américains s’en amusent ; en réalité, il est une deuxième tête de l’exécutif bien utile au locataire de la Maison Blanche.

Mike Pence est, en effet, chargé par le Président de missions ponctuelles qu’il n’a pas le temps ou l’envie d’assurer. Ainsi le Vice-Président peut-il réaliser des tournées diplomatiques quand le Président est occupé aux affaires intérieures. Ainsi l’a-t-on vu également prendre en charge le nouveau projet spatial américain, dès 2017, portant l’ambition de la Maison Blanche de planter à nouveau la bannière étoilée sur la Lune. Plus récemment, Donald Trump à confié à Pence la tâche de coordonner la réponse fédérale face à la pandémie du Covid-19. Dès le mois de mars, au début de la crise, il a tenu des points presse quotidiens pour détailler l’évolution de l’épidémie ; sa pédagogie était alors saluée, en opposition à la confusion du discours de Donald Trump, qui tentait alors de minimiser l’impact de la maladie outre-Atlantique.

Cependant, si Mike Pence sort parfois de l’ombre, ce n’est jamais pour en faire au Président ; les deux hommes s’entendent très bien, et se soutiennent fidèlement. Leur stratégie pour la campagne présidentielle en cours se veut parfaitement coordonnée. Ils alternent les meetings, s’adressant à des publics différents, pour rassembler un électorat républicain élargi. Pence sillonne l’Amérique profonde pour faire campagne, refusant même de s’isoler alors qu’il est cas contact depuis cette semaine. Showman de la politique, il enchaîne les discours, de tarmac en tarmac, de comté en comté, pour convaincre les Républicains de tout le pays et défendre le bilan de quatre années aux responsabilités.

Le Vice-Président Mike Pence en campagne à Hermon, dans le Maine, le lundi 19 octobre dernier. Si le Maine semble acquis à Joe Biden, c’est l’un des deux Etats qui peut, en fonction des résultats, diviser ses voix au Collège Électoral et ne pas voter pour un seul et même candidat. Crédits photo : Bangor Daily News

Si Mike Pence est si actif dans la campagne, c’est aussi pour gagner en popularité et en légitimité, avec un objectif clair : être candidat pour la présidence en 2024. S’il est réélu cette année, il pourra ainsi succéder à Donald Trump dans quatre ans. En coulisses, Pence a déjà établi plusieurs scénarii, en fonction de la victoire ou non des Républicains en 2020. Le Président Trump ne voit pas pour lui de meilleur successeur, et il lui a déjà apporté un soutien tacite. Bien sûr, officiellement, le Cabinet du Vice-Président nie toutes ces ambitions de long terme. Néanmoins, c’est ainsi que Mike Pence envisage la conquête du pouvoir : avancer dans l’ombre, et trouver le moment opportun pour prendre la lumière. Un habile clair-obscur qui lui a permis d’accéder au pouvoir ; désormais, son ambition est de convaincre l’Amérique avec sa vision et ses idées.