Le 3 août restera, dans l’histoire espagnole, comme une date de départ. C’est, en effet, par un 3 août de 1492 que Christophe Colomb quitte l’Espagne pour un voyage aujourd’hui connu comme le coup d’envoi de la Mondialisation. Le départ du 3 août 2020 est, quant à lui, sans retour pour l’ex-roi Juan Carlos Ier qui, accusé de corruption, est contraint à l’exil. Ce séisme, à consonance de déchéance, restera une marque au fer rouge sur les armoiries de la famille royale espagnole, déjà abîmées, qu’il convient d’expliquer.

Les bons comptes font les bons amis

Si le ciel est aujourd’hui sombre pour l’ancien monarque, c’est à cause du vol d’un oiseau de mauvais augure. Son nom, José Manuel Villarejo, est celui d’un ancien commissaire, aujourd’hui en prison, sorte de tueur à gage politique qui connaît tous les petits papiers espagnols des trois dernières décennies. Habitué à faire chavirer des Gouvernements et des responsables de tous bords, il vise, en 2018, la tête qui a porté la couronne. Il fait alors parvenir aux médias un enregistrement de l’ex-maîtresse du roi, Corinna zu Sayn-Wittgenstein, fait à son insu, dans lequel celle-ci révèle que l’ex-roi aurait reçu, en commission, c’est-à-dire en pot-de-vin, en lien avec l’obtention de marché publics saoudien par des entreprises de BTP espagnoles, pas moins de 80 millions d’euros du roi d’Arabie Saoudite. Une somme à laquelle il faudrait ajouter un patrimoine de plusieurs millions d’euros, conservée au Liechtenstein et au Panama, des paradis fiscaux, issu de son père, qu’il aurait fait rapatrier en grande partie en 2012, en profitant de l’amnistie fiscale décrétée par l’ex-premier ministre Mariano Rajoy, blanchissant ainsi cet argent sale familial. A cela s’ajouterait de l’argent dissimulé dans des comptes pour lesquels elle aurait fait office de « porte-nom ».

Corinna zu Sayn-Wittgenstein, l’ex-maîtresse de l’ancien roi Juan Carlos Ier (Crédit Photo: La Presse.ca)

Une monarchie ternie

Ces révélations viennent s’ajouter à une image déjà ternie de la monarchie espagnole. En effet, s’il fut un temps connu comme le roi du retour à la démocratie, Juan Carlos est aujourd’hui connu comme celui qui se cassa la jambe lors d’un safari à l’éléphant en pleine crise économique, ce qui avait poussé à sa démission en 2014. En parallèle, l’infante Cristina va régulièrement rendre visite à son mari emprisonné pour une affaire de corruption qui avait fait la une des journaux. Le roi actuel Felipe VI s’efforce, au milieu de ce sombre tableau, de donner une image de probité en adoptant de nombreuses mesures de surveillances de la légalité de ses comptes et de ses actions, allant même jusqu’à refuser l’héritage de son père pour ses irrégularités. Si les deux grands partis traditionnels du pays que sont le Parti Populaire et le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol maintiennent leur soutien à la Monarchie, le parti Podemos équivalent espagnol de La France Insoumise, naturellement hostile à la monarchie, s’insurge, tant pour l’égalité de tous devant la justice que pour refaire parler de lui dans une période bien atone…