Alors que plus de la moitié de la population mondiale est confinée, l’économie tourne au ralenti, victime de l’épidémie de Covid-19 et d’un arrêt massif de la production.
Pour la Présidente du FMI, Kristalina Georgieva, la crise sanitaire a un « impact sans pareil » sur la santé économique des États touchés ; elle s’attend à vivre « la plus grande récession depuis la Grande Dépression » de 1929.
En France, le Gouvernement tente, dans l’urgence, de sauver les emplois et d’aider les entreprises. À l’échelle européenne, les 27 États membres de l’UE envisagent par ailleurs l’avenir, et les mesures de relance qu’ils devront mettre en œuvre.
Protéger entreprises et emplois
Le Premier Ministre a annoncé, la semaine dernière, un plan d’urgence de 110 milliards d’euros, pour venir en aide aux entreprises mises en difficultés par le confinement de leurs salariés. La première mesure d’envergure à financer est le chômage partiel, dont bénéficient 10 millions de salariés en France, soit plus d’un travailleur du privé sur deux. Ce dispositif permet aux salariés dans l’incapacité de produire d’être indemnisés par l’État, et donc de ne pas perdre leurs revenus habituels. Par ailleurs, les 821 000 entreprises qui ne versent plus les salaires n’ont pas besoin d’entamer des procédures de licenciements économiques, protégeant ainsi les emplois. Matignon a prévu une enveloppe de 24 milliards d’euros pour financer cette mesure couteuse mais efficace, qui a déjà fait ses preuves en Allemagne, lors de la crise des subprimes.
L’État est également prêt à débloquer 20 milliards d’euros, « pour entrer au capital des entreprises en difficulté », grâce à l’agence des participations de l’État (APE). Il pourra ainsi soutenir les entreprises stratégiques à l’image d’Air France, dont presque toute la flotte est aujourd’hui clouée au sol, et qui pourrait bénéficier d’une aide à hauteur de 7 milliards d’euros. Les petits entrepreneurs employant moins de 10 salariés et les indépendants vont aussi être aidés par le Gouvernement. Le fonds de solidarité auquel ils ont accès sera porté de 1 à 7 milliards d’euros. Le Ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a enfin évoqué l’idée d’un fonds de développement économique d’un milliard d’euros, destiné aux entreprises de taille intermédiaire.
Le Chef de l’État, Emmanuel Macron, en visite dans les serres d’une exploitation de tomates à Cléder, dans le Finistère, ce mercredi 22 avril. Crédit photo : AFP
Essentielle dans cette crise, la filière agricole a été saluée mercredi dernier par le Président de la République, lors d’un déplacement en Bretagne. S’il n’a pas annoncé de nouvelles mesures pour venir en aide à ce « deuxième front » dans la « guerre » contre l’épidémie, il a invité les consommateurs à s’interroger sur le bouleversement dans leurs habitudes de consommation. « Je ne suis ni nationaliste ni protectionniste », a précisé Emmanuel Macron, « mais si on veut retrouver le contrôle de nos vies, il faut redonner du sens à ce qu’on fait collectivement. Cela ne veut pas dire fermer les frontières, mais on a parfois accepté des choses incohérentes au nom d’une mondialisation accélérée ». L’Élysée espère bien que la consommation de produits français, rendue nécessaire par la fermeture des frontières, se poursuivra après la crise, renforçant la souveraineté nationale et européenne sur la filière agroalimentaire et l’économie en général.
Parmi les secteurs les plus impactés, l’hôtellerie et la restauration attendent aussi une aide de l’État. Au total, 168 000 restaurants, 38 800 bars et cafés, 18 600 hôtels ainsi que 6 000 boîtes de nuit sont fermées depuis le début du confinement. Les mesures annoncées par le Gouvernement ne sont pas suffisantes pour certains professionnels de la filière, pour qui la question essentielle est celle de la réouverture de leurs établissements. Sur ce point, Bruno Le Maire compte donner sa « décision finale vers la fin du mois de mai » ; Il veut éviter la « précipitation », qui pourrait conduire à la deuxième vague épidémique redoutée par l’exécutif. D’ici là, de nouvelles mesures de soutien à ces entreprises souvent fragiles pourraient être annoncées.
La question d’une relance européenne
En prévision du déconfinement, et de la reprise économique, les pays européens se coordonnent pour organiser une relance efficace. Après des négociations difficiles et des semaines d’atermoiements, les 27 sont parvenus à un trouver un accord pour venir en aide aux États et aux entreprises de l’Union. 500 milliards d’euros seront « disponibles immédiatement », a indiqué Bruno Le Maire à l’issue des pourparlers, avant d’ajouter qu’un « fonds de relance » serait également constitué à l’avenir. Depuis ces premières annonces, réalisées il y a une semaine, les agents économiques n’ont pas caché leur soulagement ; outre-Rhin, le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, a salué « un grand jour pour la solidarité européenne ». Même son de cloche en Italie, pays européen le plus sinistré par l’épidémie, qui s’est félicité d’une « proposition ambitieuse ».
Concrètement, jusqu’à 240 milliards d’euros de prêts pourront être réalisés auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES), le fonds de secours de la zone euro. En outre, 200 milliards d’euros ont été débloquées pour les entreprises, mises en difficultés par le ralentissement de la production et du commerce. Enfin, jusqu’à 100 milliards d’euros sont prévus pour soutenir les mesures onéreuses de chômage partiel mises en place dans plusieurs pays européens.
À Bercy, dans son bureau, Bruno Le Maire se réjouit de l’accord trouvé avec ses homologues de l’Eurogroupe, en visioconférence, le jeudi 9 avril. Crédit photo : AFP
Ce consensus cache toutefois un point important de discorde : les « corona bonds ». En clair, 9 pays européens, dont l’Italie, l’Espagne et la France (les 3 États frappés le plus durement par le Covid-19) souhaitent que des obligations communes soient émises, afin de récolter suffisamment d’argent pour gérer les lourdes dépenses de la crise. Il s’agit d’un « instrument de dette commun pour lever des fonds sur les marchés » ; autrement dit, plutôt que de s’endetter seuls, chacun de leur côté, les pays européens mutualiseraient leurs nouvelles dettes. Cette mesure permettrait aux pays du Sud de l’Europe, très endettés, de ne pas alourdir encore davantage le poids de la dette nationale dans leur économie.
Il faut dire que les prévisions, sur ce point, ne sont pas rassurantes. En France, Édouard Philippe a annoncé dimanche dernier que « la croissance sera négative de 8% en 2020 ». «C’est quelque chose de jamais vu », a précisé le Premier ministre, confirmant l’ampleur de l’inévitable récession qui va toucher l’économie française et internationale. Par ailleurs, la dette devrait atteindre 115% du PIB à l’issue de la crise. Le risque pour la France et les pays très endettés : rencontrer des difficultés dans le remboursement de la dette, et par conséquent être contraint d’emprunter à des taux plus élevés.
C’est pour éviter cet engrenage que le projet des « corona bonds » a été mis sur la table par les pays du Sud de l’Europe. Mais les pays du Nord, beaucoup moins endettés, ne courent pas ce risque et sont particulièrement réticents à l’idée de mutualiser leurs nouvelles dettes. Le Sommet européen de jeudi dernier entre les dirigeants des pays de l’UE n’a pas permis de trouver un consensus ; Berlin et les pays du Nord de l’Union refusent de payer pour leurs voisins. Emmanuel Macron, à l’issue du Sommet a cependant prévenu : « si on laisse tomber une partie de l’Europe, c’est toute l’Europe qui tombera ». Pour l’heure, les 2 camps continuent de négocier, avec, malgré leurs positions divergentes, la volonté commune d’ouvrir la voie au financement du « fonds de relance » évoquée par Bruno Le Maire, et à l’application de mesures inédites tournées vers l’après-crise.