Depuis le mois de juin, de violents affrontements ponctuent le quotidien des hongkongais. Chaque semaine, des manifestants pro-démocratie défilent dans les rues et s’opposent, parfois avec violence, aux forces de l’ordre. Se sentant de plus en plus étouffés par une Chine qu’ils jugent liberticide, les protestataires craignent la perte de leurs droits et libertés garantis par le statut semi-autonome de Hong Kong. Fin avril 2019, c’est un projet de loi prévoyant de faciliter les extraditions vers la Chine continentale qui a mis le feu aux poudres.
Si le pouvoir chinois a dans un premier temps suivi discrètement les événements, le président Xi Jinping a récemment rappelé, à l’occasion des 70 ans de la République populaire de Chine, qu’« aucune force ne peut entraver le progrès du peuple chinois et de la nation chinoise ». Il n’a pas hésité a qualifié certains actes des manifestants de « terrorismes », faisant craindre pour certains observateurs une intervention militaire.
Le statut semi-autonome de Hong Kong
Hong Kong, peuplé à ce jour d’environ sept millions d’habitants, est située sur la rive orientale de la Rivière des Perles, au sud de la Chine. Son économie, considérée comme la plus libérale du monde selon un classement réalisé par Wall Street Journal et Heritage Foundation, est très dynamique ; ce qui lui vaut sa troisième place parmi les plus grands centres financiers du monde selon Global Financial Centers Index.
Si son économie est stable, il en est tout autrement de son histoire. En 1842, la couronne britannique fait de Hong Kong l’une de ses colonies. Dans les années 1980, Londres et Pékin négocient l’incorporation de la colonie dans le territoire chinois. Les pourparlers sont fructueux et le Royaume-Uni accepte de se retirer. En contrepartie, la Chine s’engage à respecter temporairement le système économique capitaliste qui y règne. Ainsi, le 1er juillet 1997, Hong Kong est rétrocédé à la Chine et devient une région administrative spéciale en vertu du principe « un pays, deux systèmes », et ce, jusqu’en 2047.
Le 1er juillet 1997 à minuit, la Chine se réapproprie Hong Kong (Crédit photo: Peter Turnley – Getty)
Une loi fondamentale permet à Hong Kong de conserver son système légal, sa monnaie, son système politique, ou bien encore ses équipes sportives internationales. Au regard de cette loi, le pouvoir exécutif de Hong Kong devrait être élu au suffrage universel. Ce qui n’est pourtant pas le cas. En effet, en mars 2017, c’est un comité de grands électeurs qui a désigné Carrie Lam au poste de chef de l’exécutif de Hong Kong.
Carrie Lam, cheffe de l’exécutif de Hong Kong. Tel était le cas de son prédécesseur, elle est régulièrement qualifiée de « marionnette de Pékin ». (Crédit photo: Lui Siu Wai – Xinhua)
Les origines de la crise
La tumultueuse crise que traverse Hong Kong trouve en réalité ses origines il y a une dizaine d’années. Certains hongkongais remettaient et remettent toujours en question le respect de l’accord de rétrocession. En 2014, le centre d’affaire de Hong Kong avait été bloqué quelques semaines par le « mouvement des parapluies » qui réclamait davantage de démocratie.
En 2017, un autre événement a irrité les hongkongais. En effet, six députés issus des rangs de l’opposition ont été déchus de leur mandat ; on leur a reproché d’avoir manqué de respect à la Chine en raison d’un doute sur l’intonation de leur discours lors de leur prestation de serment. L’année suivante, les autorités hongkongaises ont dissout un parti indépendantiste en considérant qu’il présentait une menace en raison de sa volonté de faire de Hong Kong une république indépendante.
Fin avril 2019, c’est un projet de loi qui a mis le feu aux poudres. En effet, ce projet avait pour objectif d’autoriser des extraditions vers la Chine continentale de toute personne directement ou indirectement liée à une activité jugée criminelle par Pékin. Les hongkongais craignent la justice chinoise qu’ils jugent arbitraire et politisée.
L’escalade de la violence
Le 9 juin 2019, le Front civil des Droits de l’Homme a organisé la première grande manifestation contre ce projet de loi d’extradition. Selon l’organisateur 1,03 million de personnes ont manifesté, 240 000 selon les autorités hongkongaises.
Première manifestation monstre à Hong Kong le 9 juin 2019 (Crédit photo: Kin Cheung – AP)
Une semaine après cette manifestation ponctuée par quelques débordements, Carrie Lam a annoncé dans en premier temps la suspension de son projet de loi. Cette annonce n’aura aucun effet. Au contraire, les revendications se sont élargies et les manifestants remettent en cause d’une façon plus virulente l’influence de Pékin sur Hong Kong. La situation se crispe davantage lorsque Carrie Lam estime qu’aucune concession ne sera faite « dans le but de faire taire des manifestants auteurs de violence ». Le climat s’est rapidement tendu lorsque certains hongkongais ont dénoncé des violences policières.
Le 1er juillet 2019, le Parlement local est envahi par une centaine de protestataires (Crédit Photo: Reuters).
La réaction de Pékin
Depuis le début de la crise, les médias chinois sont restés silencieux. Sur Weibo, le Twitter chinois, les recherches portant sur Hong Kong ne donnent aucun résultat en raison de la censure. Les médias chinois essayent de parler des manifestations de soutien au projet de loi, mais celles-ci sont peu existantes.
La réaction du gouvernent chinois se fait attendre. Dans un premier temps, le porte-parole du Bureau des affaires de Hong Kong et de Macao a haussé le ton en avertissant que « ceux qui jouent avec le feu périront par le feu ». Puis Pékin s’est exprimé mi-aout 2019 et a comparé les manifestants violents à des terroristes.
Peu de temps après, des véhicules militaires chinois se sont positionnés à l’entrée de la ville. Pour certains spécialistes et politiciens « une intervention militaire ou policière à Hong Kong semble très improbable », c’est ce qu’a affirmé l’ancien Premier ministre australien Kevin Rudd, président du think tank Asia Policy Institute. D’autres craignent l’escalade des violences comme Lun Zhang, professeur chinois à la Maison des sciences et de l’homme à l’université de Cergy-Pontoise qui juge que « La logique qui a conduit à la tragédie de 1989 (référence à la place Tiananmen) est en train de se produire à Hong Kong trente ans après ».
Camions et véhicules blindés de l’armée chinoise en position devant l’entrée de la ville début aout 2019 (Crédit photo: AFP)
La réaction internationale
Dans différentes grandes villes du monde, des milliers de personnes se sont rassemblées pour soutenir les manifestants hongkongais. Mais la communauté internationale reste discrète. Donald Trump, fervent opposant au régime chinois, a jugé qu’il s’agissait d’une affaire interne. Il en a appelé au calme et souhaite que ce conflit trouve une solution pacifique. Mi-aout, un communiqué d’un porte-parole de la diplomatie américaine a condamné les violences et soutient « la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique à Hong Kong ».
Le Royaume-Uni, l’ex-dirigeant de Hong Kong, semble faire l’autruche. Le chef de la diplomatie britannique, Dominic Raab, a contacté Carrie Lam afin de lui demander une « enquête pleinement indépendante sur les évènements récents ». La Chine a de suite demandé à Londres de cesser ses « ingérences ».
En France, les réactions de l’exécutif sont quasi-absentes. Quelques députés ont adressé une lettre ouverte au gouvernement dans laquelle ils déplorent ce silence français.
Une suite incertaine
Depuis le début des manifestations en juin, on estime que deux millions de personnes sont descendues dans les rues hongkongaises. Ce qui représente un quart de la population de la ville. Les manifestants sont notamment des jeunes mais des personnes âgées et des familles emplissent parfois les foules.
Même si le projet de loi portant sur les extraditions vers la Chine continentale a été définitivement annulé en septembre, les échauffourées sont toujours aussi persistants. Si les premiers rassemblements étaient pacifiques, certains protestataires ont durci leurs moyens d’actions pour se faire entendre au niveau national mais aussi sur la scène internationale.
Pour la première fois, le 1er octobre 2019 un policier a tiré à balles réelles sur un étudiant, le blessant grièvement. Depuis ce jour, des émeutes ont lieu toutes les nuits dans plusieurs quartiers de Hong Kong. (Crédit photo: Demosisto).
Avec un visage de marbre, Carrie Lam a défendu dans une vidéo les pouvoirs d’urgence en estimant qu’il était inenvisageable de « laisser les émeutiers détruire davantage notre Hong Kong chérie ». Dans la foulée, elle a annoncé l’adoption, selon une procédure d’urgence, d’une loi interdisant le port du masque dans certaines circonstances. Mais certains manifestants ont bravé l’interdiction en portant un masque et ont bloqué de nouveau les grandes artères de la ville. Ce que craignent à ce jour les hongkongais est de voir réapparaître des lois d’urgence archaïques et la mise en place progressive d’un système autoritaire.
Carrie Lam, se refusant de démissionner, estimant qu’il est de son devoir de gérer la crise, prononcera son discours de politique générale au premier jour de la rentrée parlementaire, le 16 octobre 2019. Selon son entourage elle devrait annoncer diverses mesures pour résoudre la crise du logement et des loyers afin d’apaiser les tensions.