Lorsqu’on pense au Texas, on pense généralement à une part très républicaine de l’Amérique, attachée au port d’arme, conservatrice moralement, très pieuse, plus attachée à ses puissants véhicules qu’à l’environnement… Bref, l’image qui vient est, somme toute, celle que l’on se fait du militant pro-Trump. Pourtant, si l’homme d’affaire new-yorkais avait pu compter sur une majorité de Texans pour se faire élire Président des États-Unis en 2016, le ciel s’est assombri pour le Parti Républicain. Avec ses 38 grands électeurs, le Texas est l’Etat que Trump ne peut pas perdre. Analyse de la situation dans l’Etat qui pourrait faire basculer la Présidentielle.
La nouvelle donne démographique du Texas
Si l’image stéréotypée du Texan est celle d’un cow-boy, blanc, gagnant sa croute plus par son courage que par ses diplômes, le Texan moyen change. L’État a connu, depuis 2016, deux types d’immigration qui ont modifié sa composition démographique. Dans un premier temps, une immigration interne aux États-Unis, celle de Californiens fuyant le coût de la vie de l’État de Sacramento et s’installant dans les banlieues des grandes villes texanes (Austin, Houston, Fort Worth par exemple) pour profiter de la fiscalité plus légère de l’État. Depuis 2008, c’est ainsi pas moins de 700 000 californiens qui se sont installés dans l’État, sur une population totale de 25 millions d’habitants. Parmi eux, presque la moitié seraient des blancs diplômés de l’enseignement supérieur, une catégorie sociale qui, selon le New York Times, voterait à parité pour Donald Trump et Joe Biden. Par ailleurs, une partie de cette communauté Californienne du Texas est venue avec, dans ses bagages, des drapeaux du Parti Démocrate et milite dans des quartiers qu’autrefois le Parti Républicain n’imaginait même pas menacés.
En plus de cette immigration interne, le Texas a connu une immigration quasi-constante en provenance de l’Amérique Latine, au point que les chiffres de 2019 du bureau américain du recensement placent les populations latino-américaines à quasi égalité avec les populations blanches anglo-saxonnes, avec respectivement 39,7% et 41,2% de la population de l’État. Tant et si bien que c’est aujourd’hui sur eux que compte le Parti Démocrate pour faire basculer le Texas, en investissant notamment pour 6 millions de dollars de publicité dans l’État.
La gestion compliquée du coronavirus
Donald Trump a voulu faire du Texas la preuve que la lutte contre le coronavirus était possible sans le confinement et avec des mesures de distanciation sociale limitées, allant jusqu’à faire du Texas un exemple de sa gestion du coronavirus. Grand mal lui en a pris. Après une levée du confinement le 1er mai, le Texas a connu un été noir, avec un explosion du nombre de cas quotidiens avec un premier pic le 16 juillet avec plus de 15 000 nouveaux cas en une journée, et un second le 22 septembre avec 22 000 cas en une journée, sur une population de 25 millions d’habitants. Au 23 octobre, c’est pas moins de 891 000 texans qui ont contracté la Covid-19, soit environ 3% de la population de l’État, avec environ 17000 décès. Cette gestion a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment de la part des personnes âgées, électorat traditionnel du Parti Républicain et particulièrement touchées par l’épidémie.
La stratégie Républicaine pour “verrouiller” l’État
Fragilisé dans l’un de ses bastions historiques, le Parti Républicain a répliqué de trois façons différentes. Dans un premier temps, le Gouverneur, Gregory Abbott, n’a pas manqué l’occasion, sur Twitter, de rappeler aux nouveaux texans venus de Californie que changer d’État, c’est aussi changer de culture politique et que s’aligner sur les politiques de la Californie c’est aussi s’aligner sur ses politiques fiscales, un moyen pour lui de soulager la pression interne qui menace autant le Président Trump que son propre siège.
Dans un second temps, le Gouverneur a pris des décrets qui, de l’avis de nombreux observateurs, sont un moyen de restreindre le vote des minorités et des jeunes, autre population semblant menacer le parti. Ainsi, par exemple, un permis de port d’arme permet-il d’aller voter, quand une carte universitaire de l’État ne le permet pas, et les électeurs ne peuvent-ils se rendre que dans un unique dépôt pour leur vote par correspondance, compliquant ainsi sérieusement le vote des habitants des banlieues travaillant loin de chez eux. Cette technique a été largement critiqué par l’opposition, accusant le Gouverneur de suppression de vote, ce que l’intéressé a réfuté.
Enfin, et c’est peut-être là le plus intéressant, le Parti Républicain a mené des stratégies de communications… économes. En effet, les fonds de campagne de l’actuel Président des États-Unis sont presque à sec, et c’est aussi l’une des raisons de l’offensive démocrate. En effet, si ce qui se déclare être “La Bataille du Texas” fait rage, c’est non seulement parce que les démocrates espèrent remporter cet État, ce qu’ils ne sont plus parvenu à faire depuis 1976, mais aussi parce qu’en forçant le candidat Trump à investir, quand ceux-ci sont encore assez confortablement installés sur leurs réserve, ils l’empêchent d’investir ailleurs. Dès lors, la bataille a deux objectifs, étrangler financièrement le Président en le forçant à investir dans un de ses bastions, et le forcer à consacrer du temps et de l’énergie à un État qu’il est encore, aujourd’hui, en mesure de gagner. Bien que seulement 2% d’intentions de vote séparent les 2 candidats…