Pays du Moyen-Orient aux 27 millions d’habitants, le Yémen est en proie depuis quelques années à une crise politique majeure qui s’est rapidement transformée en une crise humanitaire. L’Organisation des Nations unies (ONU) et de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) tirent la sonnette d’alarme et réclament davantage de moyens pour mettre fin aux conflits qui perdurent.
Les prémisses de la crise
En 2011, des milliers de yéménites descendent dans les rues pour réclamer davantage de démocratie, la fin de la corruption, de meilleures conditions de vie, et le départ du président Ali Abdallah Saleh. Ce dernier, au pouvoir depuis 1978, cède face aux menaces et démissionne.
Comme l’indique la constitution du Yémen, c’est le vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, qui lui succède pour un mandat provisoire de deux ans et promet croissance et développement. Mais au terme de ces deux ans, les promesses ne sont pas tenues et les conditions de vie se sont détériorées.
Cette crise politique profite à la rébellion des Houthis, implantée initialement au nord du pays. Ce mouvement, composé notamment d’anciens militaires fidèles au président Saleh, prend très rapidement le contrôle de Sanna, la capitale du pays, et s’empare de la quasi totalité du Yémen en 2014. En mars 2015, le Gouvernement yéménite est contraint de s’exiler.
Les Yéménites chiites houthistes lèvent les armes lors d’affrontements près du palais présidentiel à Sanaa en janvier 2015. (Crédit photo: AP – Hani Mohammed)
L’Iran, soupçonnée de soutenir les rebelles Houthis, inquiète sa fervente opposante ; l’Arabie saoudite. En effet, cette dernière redoute, in fine, le contrôle du Yémen par l’Iran.
Ainsi, il y a tout juste quatre ans, le 26 mars 2015, l’Arabie saoudite lance l’opération militaire surnommée « tempête décisive » afin de stopper la montée en puissance des Houthis.
Pour ce faire, elle rassemble une coalition, dont font partie les Émirats arabes unis, et une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU permet aux États-Unis d’apporter à cette coalition une aide logistique. Mais l’intervention saoudienne s’enlise et la guerre perdure. En été 2015, les principaux fronts ne bougent plus ; au nord, la partie la plus peuplée, les Houthis prospèrent, et au sud, les zones libres sont divisées et rivalisent, pour la plupart, avec le gouvernement en exile.
L’enlisement dans la pauvreté
Depuis le début du conflit en 2015, l’Arabie saoudite a frappé des installations portuaires, des usines et des habitations. De leur coté, les Houthis ont également bombardé de nombreuses villes. La guerre s’avère meurtrière pour les civils ; en août 2016, l’ONU émet le chiffre incertain de 10 000 morts civils dont 2200 enfants.
En outre, l’aide humanitaire est gênée par le blocus qu’impose l’Arabie saoudite depuis le début du conflit concernant l’importation des produits alimentaires en direction du Yémen. En conséquence, les prix flambent, les trafics illégaux se développent et le pays s’engouffre davantage dans la pauvreté. Fin 2018, dans son appel humanitaire mondial pour 2019, l’ONU a estimé que 8,4 millions de yéménites seraient menacés par la famine. La représentante de l’ONU au Yémen, Meritxell Relano, va plus loin et affirme que plus de 11 millions d’enfants, soit environ 80% de la population de moins de 18 ans, ont besoin d’aide humanitaire.
Un jeune garçon souffrant de diphtérie soigné dans un l’hôpital de Sanna, en octobre 2018. (Crédit photo: AFP – Mohammed Huwais)
Au-delà de cette misère, l’ONU est également inquiète des menaces djihadistes persistantes. Malgré les frappes aériennes des Émirats arabes unis et des États-Unis à son encontre, la branche locale d’Al-Qaïda au Yémen continue de prospérer et recrute de nouveaux militants, selon les récents rapports de l’ONU.
L’appel des ONG
Contrairement à l’ONU, certaines ONG parlent de 50 000 morts civils depuis 2015 au Yémen et estiment que la misère fait plus de morts que les combats. Unanimement, les ONG dénoncent la famine, les maladies, les crimes, et même les viols qui ponctuent la vie quotidienne des Yéménites.
Elles regrettent également le manque de couverture médiatique apportée à cette crise. Radhya Almutawakel, présidente de l’ONG yéménite Mwatana, a récemment affirmé qu’ « un enfant meurt toutes les 10 minutes au Yémen ». Elle dénonce également l’alimentation de cette guerre par certains pays, tels que les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la France. En effet, ces pays sont des fournisseurs d’armes à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Amnesty International France l’affirme en soulignant qu’ « entre 2015 et 2017, la France a vendu 4,3 milliards d’euros de matériel de guerre aux Émirats arabes unis et à l’Arabie saoudite ».
Ainsi, ces ONG demandent à la France de profiter de sa position actuelle de présidente du Conseil de sécurité de l’ONU et de président du G7 pour instaurer un climat de paix au Yémen. L’organisation Care France dénonce, tant qu’à elle, les nombreux obstacles sécuritaires et administratifs qui se dressent devant les ONG pour acheminer l’aide humanitaire dans ce pays.
Dans la nuit du 27 au 28 mars 2019, les ONG Oxfam France, Médecin du Monde, Action contre la Faim et Care France ont projeté, sans autorisation, sur les murs de l’Assemblée Nationale, différents messages accusant le Gouvernement français de participer à la crise humanitaire au Yémen. (Crédit photo: MDM – Fanny Mantaux)
Depuis le début du conflit, différents cycles de négociation ont eu lieu avec le Gouvernement yéménite et les rebelles Houthis. Mais ils se sont soldés par des échecs, même si un accord de cessez-le-feu a pu être conclu en décembre 2018 concernant un port sur la côte ouest du pays. L’Arabie saoudite refuse de cesser les combats toujours par peur de la constitution d’un croissant chiite, initiée par l’Iran, qui passerait par l’Irak, la Syrie et le Yémen. De son coté, l’Iran ne réagit pas directement et reste en retrait.