23 février 2016. En visite officielle au Mexique, le vice-président américain Joe Biden dénonce le discours « dangereux » tenu par celui qui est alors candidat à la Maison-Blanche, le républicain Donald Trump, lequel entend notamment construire un mur à la frontière entre les deux pays pour freiner l’immigration. Quatre années plus tard, le second est devenu président des Etats-Unis et le premier est le dernier candidat en lice pour l’affronter en novembre. Qui est Joe Biden, l’homme qui s’est juré de déloger Donald Trump de la Maison-Blanche ?

Une vie ponctuée de drames personnels

Joseph Biden naît dans une famille modeste de Pennsylvanie en 1942 avant de s’installer dans le Delaware et de débuter une carrière d’avocat dans la ville de Wilmington, ville qui fait office de véritable fief aujourd’hui encore. 

En décembre 1972, alors qu’il vient d’être élu sénateur des Etats-Unis pour le Delaware, sa femme et sa fille âgée de treize mois décèdent dans un accident de voiture.
En 2015, c’est le fils aîné de Joe Biden, Beau, qui succombe à un cancer du cerveau, son père renonce alors à briguer l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle de 2016. 

Pour avoir fait le deuil de sa première épouse ainsi que de deux de ses quatre enfants, Joe Biden est dépeint par l’opinion publique américaine comme une personnalité empathique et sincère dans son rapport direct aux américains. Ainsi, dans un sondage Quinnipiac de mai 2020, 61% des américains affirmaient penser que Joe Biden se soucie de l’Américain moyen (42% disaient la même chose de Donald Trump).  

Ce parcours personnel tragique n’est donc pas sans influence sur la carrière politique et la campagne de Joe Biden. L’ancien ambassadeur américain Allan Katz résume ainsi la posture du candidat : « personne ne hait Joe Biden » (L’Obs, 1er Juin 2020).

De Wilmington à Washington

Si en 2016 Donald Trump s’est présenté en candidat antisystème, défiant volontiers l’establishment, – c’est-à-dire les hommes et les femmes qui ont consacré leur vie à la politique – Joe Biden est un habitué des lieux de pouvoir de la capitale américaine. 

Il a ainsi servi durant plus de 36 ans comme sénateur du Delaware avant de devenir vice-président de Barack Obama. 

Au Congrès (le parlement américain), Joe Biden représente l’aile centriste du parti démocrate. L’homme adopte alors une position assez consensuelle et se place en figure de proue de la politique étrangère au Sénat, dont il présidera le comité à plusieurs reprises. 

Ainsi, s’il soutient une intervention militaire en Irak en 2003, il appuie une action menée en coordination avec l’ONU. Au cours de sa longue carrière politique, Joe Biden évolue sur de nombreuses questions : d’abord hostile au mariage pour les couples de même sexe, il soutiendra la mesure en 2012 ; s’il a toujours défendu le droit à l’avortement, il annonce en 2019 qu’il ne soutient son financement fédéral que pour un nombre restreint de cas (le viol par exemple) avant de revenir sur ses propos.

En 2017, la piscine municipale de Wilmington où travaillait Joe Biden en tant qu’étudiant a été renommée à son nom. La ville est depuis le véritable fief du candidat démocrate. (Crédit photo : Delaware Online – © Suchat Pederson/The News Journal)

En 2008, le candidat Barack Obama choisit le sénateur du Delaware comme colistier pour l’élection présidentielle et fait ainsi le choix de l’expérience et de la connaissance des rouages de Washington. Une fois installé à la Maison-Blanche, le tandem Obama-Biden fonctionne et parvient à remporter un second mandat en 2012. Joe Biden reprend la posture traditionnelle du vice-président aux Etats-Unis, s’effaçant relativement de la scène médiatique et multipliant les voyages à l’étranger. Le binôme formé par Barack Obama et Joe Biden devient, dans ses dernières années, iconiques dans la culture populaire américaine et la bromance que noueraient les deux hommes est largement reprises par commentateurs et humoristes américains.

Barack Obama remettant la médaille présidentielle de la liberté, plus haute distinction civile américaine, au vice-président Biden en 2016. (Crédit photo : NPR – © Susan Walsh/AP )

Le candidat de « l’âme de l’Amérique »

Déjà candidat à l’investiture démocrate pour l’élection présidentielle en 1988 et 2008, Joe Biden annonce en avril 2019 sa volonté de défier Donald Trump l’année suivante.

Longtemps donné favori des sondages, Biden connaît une campagne mouvementée, ponctuée de gaffes et les résultats lors des premières primaires en février dernier sont décevants. 

La campagne de Biden connaît toutefois un très important rebond et le 8 avril 2020, Bernie Sanders se retire de la course à l’investiture et laisse Joe Biden seul candidat encore en lice, devenant de facto le candidat démocrate présumé pour affronter le président sortant en novembre. 

Alors que l’épidémie de coronavirus sévit aux Etats-Unis et que le pays est traversé par le mouvement de contestation Black Lives Matter, Joe Biden cherche à s’opposer en tout point à la posture adoptée par le président et se présente en candidat de l’apaisement, rassembleur d’une Amérique désireuse de tourner la page Trump. 

Gaffeur régulier et porteur du bilan des 8 ans de la présidence Obama qui, si elle suscite la nostalgie chez de nombreux démocrates reste aussi une déception pour certains Américains, la campagne de Joe Biden n’est pas dépourvue de faiblesses.

Alors qu’il est rapidement parvenu à rassembler le camp démocrate dans son opposition à Donald Trump, le candidat Biden doit aussi chercher à imprimer sa marque afin de mobiliser l’aile gauche du parti. 

En la matière, le choix de son colistier pour la vice-présidence, dont il a d’ores et déjà annoncé qu’il s’agirait d’une femme, sera révélateur de la couleur qu’il entend donner à sa campagne et annonciateur de la politique qu’il mènera.

Joe Biden a fait du port du masque un signe distinctif de son opposition à Donald Trump. (Crédit photo : Patrick Semansky/AP )

À moins de 100 jours de l’échéance, Biden devance assez nettement Donald Trump dans les sondages nationaux et par États, mais la prudence est de rigueur dans un camp démocrate encore traumatisé par la défaite de 2016. À 77 ans, celui qui, en 1971, confiait déjà ses ambitions présidentielles à sa jeune fille défunte s’installera-t-il finalement dans le bureau ovale ? Réponse le 3 novembre prochain.