Depuis les dernières élections législatives de juin 2017, 188 textes de loi ont été adoptés par les députés et les sénateurs français. Derrière ce nombre, qui n’a de cesse d’augmenter à chaque nouvelle législature, se cache des centaines d’heures de débats, de votes et de discussions entre les syndicats, les parlementaires et Matignon.

Aux origines de la Loi

Le projet de loi

Dans 80% des cas, c’est l’exécutif qui est à l’initiative des Lois. Le Gouvernement, soucieux de mettre en œuvre les réformes promises par le Président et parfois contraint de légiférer face à des situations imprévues, présente ainsi très régulièrement des projets de loi au Parlement. C’est alors au sein des ministères que naissent ces derniers. Ils font l’objet de nombreuses discussions entre les partenaires sociaux ; les syndicats sont par exemple consultés par les ministres concernés, et des pourparlers s’engagent en amont de l’arrivée du projet de loi à l’Assemblée ou au Sénat. Ces travaux permettent aux réformes d’être plus consensuelles avant les débats, et d’éviter au maximum les contestations publiques (grèves, manifestations…).

En outre, les hauts fonctionnaires profitent de ce laps de temps pour combler toutes les éventuelles failles juridiques qui émaillent le texte de loi. C’est notamment le rôle du Secrétaire Général du Gouvernement, Marc Guillaume, et de ses équipes. Ils veillent à ce qu’une fois adoptée, la Loi ne puisse faire l’objet d’aucun recours, devant le Conseil Constitutionnel par exemple. Enfin, juste avant sa présentation à l’une des deux chambres du Parlement, le projet de loi est soumis au Conseil d’État, qui émet un avis à son sujet, puis au Conseil des Ministres, pour que le Chef de l’État prenne officiellement connaissance du texte en détails.

La proposition de loi

Toutefois, l’article 39 de la Constitution donne aussi aux parlementaires le droit de présenter une proposition de Loi (PPL). Députés ou sénateurs peuvent ainsi légiférer sur des sujets qu’ils choisissent, seuls ou à plusieurs, qu’ils soient issus de la majorité ou de l’opposition. Les élus reçoivent, à l’image du Gouvernement, des représentants administratifs, associatif et syndicaux pour identifier les besoins du secteur concerné par leur future Loi.

Exemple d’une proposition de Loi déposée par des Sénateurs de gauche, le 24 Mai dernier. Très courte, elle vise à instaurer le vote postal pour les prochaines Élections Municipales, en raison de l’épidémie de Covid-19. Document : Sénat

Pour que cette dernière soit recevable, elle ne doit pas entraîner une diminution des ressources publiques ni la création ou l’aggravation d’une charge publique. Néanmoins, malgré ces restrictions constitutionnelles, une grande partie des PPL est jugée recevable par l’administration du Parlement. Les élus peuvent donc proposer des lois pour faire entendre une autre voix que celle de la majorité, ou au contraire appuyer la politique du Gouvernement, selon leur couleur politique.

Au cœur du débat parlementaire

Le travail en commission

Le projet ou la proposition de loi, une fois construit, est envoyé à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Le texte est alors soumis à l’examen d’une commission composée de plusieurs parlementaires ; il peut s’agir d’une commission permanente spécialisée dans un sujet (Lois, Finances, Culture, Affaires étrangères…) ou d’une commission créée spécialement pour l’occasion (pour les réformes d’envergure essentiellement, comme celle des retraites dernièrement).

Des rapporteurs sont alors désignés par les membres de la commission, et les députés ou les sénateurs travaillent sur le fond du projet. Ils reçoivent syndicats, associations et lobbies, avant d’entendre le Gouvernement. Ils amendent la Loi, en supprimant, ajoutant ou modifiant des articles au texte, avant qu’il ne soit débattu par l’ensemble des parlementaires de la chambre.

Des séances publiques au vote définitif

La première lecture du texte devient plus médiatique lorsque débutent les travaux dans l’hémicycle. Si ces derniers se déroulent à l’Assemblée nationale, l’ensemble des députés sont appelés à s’exprimer sur les amendements déposés par leurs collègues. Ils sont défendus par leurs auteurs, et avant le vote, le Gouvernement et le rapporteur donnent un avis favorable ou défavorable pour chacune des modifications, afin de guider le vote des partisans de la réforme.

Le plus souvent, les parlementaires votent les amendements à main levée, pour gagner du temps, comme ici au Palais Bourbon. Crédits photo : AFP

L’ensemble des amendements voté, le texte part vers le Sénat, où il est modifié de la même manière. On parle de navette parlementaire pour désigner le cheminement de la Loi entre les deux chambres du Parlement. Chaque nouvelle version de la Loi doit être adoptée, jusqu’à ce que députés et sénateurs valident un texte commun. Si des désaccords persistent, une commission mixte paritaire composée de 7 députés et 7 sénateurs se réunit afin de trouver un compromis. En cas d’échec des discussions, quand les majorités entre les deux chambres sont très différentes par exemple, c’est l’Assemblée nationale qui a le dernier mot.

Il faut noter que ce chemin emprunté par la loi est long, et que le rendre moins sinueux constitue aussi un défi majeur pour le Gouvernement. Aussi le temps de parole des députés débatteurs peut-il être programmé à l’avance, afin d’éviter des discussions trop filandreuses dans l’hémicycle. À l’inverse, le Gouvernement peut laisser les parlementaires débattre sans limite de temps, mais utiliser la procédure du « vote bloqué », pour que seuls les amendements proposés ou soutenus par la majorité fassent l’objet d’un scrutin. Ces outils permettent à l’exécutif de lutter contre l’obstruction faite par l’opposition en déposant un très grand nombre d’amendements. Ce fut le cas en février dernier, avec la réforme des retraites, pour laquelle plus de 41.000 modifications ont été proposés. Le Premier ministre a alors décidé d’engager sa responsabilité en faisant adopter le texte sans aucun vote des députés, grâce à l’article 49-3 de la Constitution.

L’entrée en vigueur

À l’issue de ce processus, la loi entre définitivement dans le giron de l’exécutif et du Président de la République. Après le vote définitif d’un projet ou d’une proposition de Loi par le Parlement, le Chef de l’État dispose en effet de 15 jours pour promulguer le texte. Durant ce délai, le Conseil Constitutionnel peut être saisi si des élus jugent la réforme adoptée anticonstitutionnelle. De plus, le Président peut demander aux parlementaires d’examiner à nouveau le projet, même si cette décision est particulièrement rare. En définitive, le Chef de l’État ne peut pas refuser de promulguer un texte de Loi.

Le Président de la République, à son bureau, promulguant la Loi ORE portée par la Ministre de l’Enseignement Supérieur Frédérique Vidal, devant un parterre de journalistes et de photographes. Crédits photo : AFP

Une fois promulguée, la Loi (adoptée par le Parlement ou via un référendum) est transformé en un décret, édité par l’Élysée, et contresigné par le Chef du Gouvernement et ses ministres concernés par le sujet. Elle est alors publiée au Journal Officiel, et entre en vigueur à une date choisie par le législateur. Bien souvent, pour accompagner son application, l’exécutif propose des décrets particuliers au Conseil d’État.