C’est un tournant pour le quinquennat du Président de la République ; une conférence de presse sous les ors de l’Élysée, pour annoncer les mesures prises par le Gouvernement après la crise inédite des « Gilets Jaunes » et le « Grand Débat National » organisé en réplique. Baisse des impôts, écologie, Référendum d’Initiative Partagée facilité… les annonces du Chef de l’État sont nombreuses et ne manquent pas de faire réagir. Florilège.

Zoom sur la question du travail et du pouvoir d’achat

La baisse des taxes et des impôts sont la principale revendication de beaucoup de « Gilets Jaunes » et de Français en général. Aussi, Emmanuel Macron a annoncé vouloir « baisser significativement » ces prélèvements « pour ceux qui travaillent« . Il a alors rappelé que son Gouvernement avait déjà diminué les impôts comme jamais auparavant.
Son ambition aujourd’hui : réduire de 5 milliards d’euros les prélèvements obligatoires et notamment l’impôt sur le revenu, payé par 13 millions de foyers. Le Chef de l’État est toutefois resté très flou et n’a pas indiqué quels Français étaient précisément concernés. Comme sur un grand nombre de sujets, il a demandé au Gouvernement de travailler sur ces projets dès demain pour des changements rapides.
Il n’a pas manqué de rappeler la baisse de la taxe d’habitation et sa suppression future qui feront également augmenter le pouvoir d’achat des Français.
Le Président de la République a également défendu la suppression de l’ISF, devenu Impôt sur la Fortune Immobilière et exonérant certaines grandes fortunes de notre pays. Il a rappelé que cette mesure avait pour objectif de relancer l’investissement dans les entreprises, et attend de pouvoir constater les résultats de sa politique avant un éventuel retour en arrière.

Emmanuel Macron a également démenti la presse qui, depuis plusieurs jours, pariait sur la suppression d’un jour férié pour financer la dépendance. Il considère que la mesure est trop sujette aux débats sans fondements et très complexe à mettre en place. Sur la question des retraites, il ne modifiera pas l’âge légal de départ fixé à 62 ans. Il compte ainsi tenir sa promesse de campagne de ne pas le reculer. Pour rappel, une réforme sur ce sujet est actuellement en cours d’élaboration et de négociations, sous la houlette de Matignon. De plus, les retraites de moins de 2000 euros seront réindexées sur l’inflation, afin d’éviter des baisses de pouvoir d’achat inévitables. Le Chef de l’État a indiqué qu’aucune pension n’augmenterait moins vite que les prix d’ici à 2021.

La démocratie au cœur du débat

« Je ne retiendrai pas le vote blanc ». La phrase du Chef de l’État est lapidaire, et n’aura pas convaincu ceux qui, durant le « Grand Débat » ou parfois bien avant, demandaient sa reconnaissance lors de toutes les élections. Le vote blanc est en effet au centre du débat public : s’il est une expression politique et même un enjeu qui peut déterminer la légitimité du vainqueur d’un scrutin important, il n’est jamais comptabilisé dans les résultats officiels. Pourtant, depuis les années 1990, il ne cesse de croître et mérite d’être appréhendé selon plusieurs sociologues et personnalités politiques. Mais Emmanuel Macron considère que c’est une erreur, et que cette mesure n’améliorerait pas le fonctionnement démocratique. 

Certains citoyens, pour raviver la participation de chacun à la démocratie, avaient proposés d’instaurer un vote obligatoire. En clair, ne pas participer à un scrutin (local, national et européen) pourrait être passible de sanctions, allant de l’amende au retrait des droits civiques. Refus catégorique du Président de la République, qui trouve que ces pénalités vont à contre-courant de sa philosophie. De plus, d’un point de vue technique, il rappelle la difficulté de l’application de ces dernières : « quand je regarde nos voisins, il est très dur de la faire respecter ». Emmanuel Macron parle de la Belgique et du Luxembourg, où malgré la Constitution qui prévoit des amendes, elles ne sont jamais mises en pratique.


Emmanuel Macron a répondu aux questions des journalistes réunis dans la salle des fêtes de l’Élysée, devant des millions de téléspectateurs (Crédit photo : Libération)

Il a également tranché l’épineuse question du RIC : le Référendum d’Initiative Citoyenne. Il rejette l’idée qu’un référendum pour abroger une loi ou révoquer un élu puisse être décidé aussi simplement que le proposait les « Gilets Jaunes ». Le Chef de l’État voit là une remise en cause de « la démocratie représentative ». Toutefois, un dispositif similaire sera mis en place à l’échelle locale, pour modifier l’ordre du jour de réunions publiques, par exemple.

Le Référendum d’Initiative Partagée sera lui simplifié : ce dispositif entré dans la Constitution en 2008 n’a encore jamais abouti, car les parlementaires souhaitant organiser un tel événement devaient récolter 4,5 millions de signatures de Français. Aujourd’hui, ce seuil passera à 1 million et semble déjà séduir les députés, qui ont entamé la procédure pour demander aux citoyens leur opinion concernant la privatisation des Aéroports de Paris.

Enfin, le Président de la République a annoncé la création d’un « Conseil de la participation citoyenne » dès juin prochain, avec 150 Français tirés au sort qui pourront y siéger, mobilisant ainsi « l’intelligence collective ». Cette nouvelle assemblée remplacera le Conseil Économique Social et Environnemental, aujourd’hui très transparent dans la vie politique française. Emmanuel Macron veut aussi réduire de 25% le nombre de parlementaires, et instaurer 20% de proportionnelle lors des prochaines élections législatives. Ainsi, a-t-il précisé, davantage de couleurs politiques seront représentées dans l’hémicycle.

À la reconquête des territoires 

Pour répondre à la colère de la France rurale, désertée par les services publics, il a annoncé un « nouvel acte de la décentralisation », début 2020. Il souhaite que les politiques locales de logements, de transports ou d’environnements soient « prises au plus près du terrain ».

L’objectif est aussi que chaque Français ne vive pas à plus de 30 minutes d’un service public. Pour cela, il a annoncé désirer « ne plus avoir d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux, ni d’écoles sans l’accord du maire ».

Autre mesure d’envergure : la création de « Maisons France Services » pour 2022, dans chaque canton du territoire national. Inspirée du modèle canadien, elles regrouperaient davantage de fonctionnaires pour assurer les services de l’État à la plus petite échelle.

Agir pour le climat

Les plus engagés pour la planète regretterons qu’il n’en est pas parlé davantage. Emmanuel Macron a tout de même évoqué la question de « l’urgence climatique », au cœur de l’actualité notamment depuis les manifestations de la jeunesse pour demander des politiques plus durables. Ainsi, il a annoncé la création d’un « Conseil de Défense Écologique », afin d’harmoniser les politiques gouvernementales en matière de protection de l’environnement.

Depuis le département tonitruant de Nicolas Hulot, qui a quitté l’Hôtel de Roquelaure il y a maintenant 7 mois, le Chef de l’État a bien du mal à se faire entendre sur de tels sujets. Il a reçu fin février la figure de proue du mouvement écologiste, Greta Thunberg, au Palais de l’Élysée, pour envisager l’avenir de sa politique de développement durable.

Malgré ces annonces importantes, la classe politique toute entière critique le Président. Selon un premier sondage, 63% des Français n’ont pas été convaincus par son discours. « Les Français auront eu droit à un exercice d’autosatisfaction, dans le prolongement des shows solitaires du grand débat national», a fustigé Fabien Roussel, n°1 du Parti Communiste. Laurent Wauquiez, chez Les Républicains, a lui des regrets : « Aucune piste sérieuse d’économies sur la dépense publique n’a été mise sur la table », dénonce-il. Comme beaucoup, il s’interroge sur le financement des mesures annoncées hier, regrettant un manque de clarté.

Emmanuel Macron, durant cette conférence de presse inédite, a prôné et défendu « l’art d’être Français ». Si la formule, légère selon ses opposants, est pour beaucoup un mystère, elle témoigne de la volonté du Chef de l’État de revenir à ses fondamentaux, sa philosophie. D’ailleurs, tout le monde espère, dans les couloirs du Château, que cette intervention mettra un terme à la crise traversée par l’exécutif, à un mois des Élections Européens, véritable baromètre de la situation politique intérieure et grand enjeu pour la majorité présidentielle.