Coup de théâtre. Alors que tous les observateurs avaient prédit la réussite du sommet entre le Président américain et le leader nord-coréen, la rencontre à Hanoï des deux dirigeants a tourné court. Pourtant, il y a huit mois, les deux hommes avaient échangé une première poignée de main historique, à Singapour ; ce nouveau sommet avait l’ambition d’aller au-delà du symbole, et d’aboutir à la signature d’accords concrets quant à la dénucléarisation de la Péninsule. Confiantes à l’ouverture des pourparlers, mercredi, les deux délégations ont surpris tout le monde, ce jeudi, en annonçant l’interruption de la rencontre, la Maison-Blanche indiquant qu’aucun accord n’avait été conclu.

« Parfois, il faut quitter les négociations »

Donald Trump, en quittant la table des négociations devant les 3000 journalistes réunis au Viêt Nam, rappelle la fragilité et la complexité du processus de paix engagé entre Washington et le régime communiste. L’enjeu de ce sommet était d’aboutir à un accord satisfaisant les deux parties.

Alors que Donald Trump demande le démantèlement des installations nucléaires coréennes, Kim Jong-un fait de la levée des sanctions financières une condition sine qua non à la signature de ce compromis tant attendu. C’est visiblement sur ce point précis que Pyongyang n’a pas convaincu les Américains. « En gros, ils voulaient que les sanctions soient entièrement levées, et nous ne pouvions pas le faire », a réagi Donald Trump, les traits tirés, dans une conférence de presse, juste avant de s’envoler pour les États-Unis.
Pourtant, la Corée du Nord s’est dite prête à accélérer son processus de dénucléarisation, cédant sur presque toutes les exigences de Washington. À un journaliste du WaPo, sur sa détermination à démanteler les sites d’essais nucléaires, Kim Jong-un a même répondu: « Je ne serais pas venu ici, si je n’avais pas eu la volonté ».

Sur les places pyongyangaises, le journal du Parti communique sur le Sommet d’Hanoï. Les autorités nord-coréennes ont préparé la population à ce rapprochement avec l’ennemi américain, qui représente un virage à 180° avec la politique précédemment appliquée par la dynastie des Kim. Source: AFP

Le refus américain de lever toutes les sanctions financières reflète bien les doutes et les interrogations de la communauté internationale quant au dessin coréen de véritablement stopper la conception de bombes atomiques. En effet, beaucoup de services de renseignements s’accordent à dire que le régime de Kim Jong-un possède déjà des armes nucléaires, susceptibles de toucher le voisin du Sud, le Japon, et même le territoire américain. En outre, beaucoup de mystères planent au-dessus de ce dossier, et vérifier que le processus de dénucléarisation est bien entamé s’avère complexe: si l’accord, bien qu’il n’ai pas été signé, prévoyait des visites d’experts américains sur le sol nord-coréen, l’existence de projets secrets de la part du dictateur est une possibilité. C’est pour cette raison que Donald Trump et son Secrétaire d’État ont refusé l’abandon de l’intégralité des pénalités infligées à Pyongyang. Le programme nucléaire de la péninsule est en effet inscrit dans la constitution de l’État communiste, et son abandon brutal et définitif ne semble pas crédible aux yeux des Américains.

Mais cette impasse dans les discussions et l’abandon du projet d’accord ont d’autres conséquences. Des avancées concrètes pour la paix étaient en effet prêtes à être adoptés par les deux hommes, et ont été remises à plus tard, faute de consensus sur la question nucléaire. Le rapatriement des corps de soldats américains morts durant la Guerre de Corée il y a 70 ans, l’ouverture de bureaux de coopération entre les deux pays et la signature d’une déclaration de paix étaient aussi en discussion. La fermeture prématurée du Sommet a laissé ces sujets en suspens, alors que les deux délégations semblaient en accord sur ces points. Cet échec a fait réagir notamment le Président sud-coréen Moon Jae-in, qui s’est dit « désolé » ; l’homme fait du réchauffent des relations avec le Nord le fer de lance de sa politique.

Un avenir pacifique ?

Entre les États-Unis et la Corée du Nord, les relations bilatérales ont toujours été tendues, depuis la Guerre Froide, et se sont illustrées par un conflit armé causant la mort de 2 millions de civils. Entre Donald Trump et Kim Jong-un, les relations n’ont pas non plus toujours été très cordiales. Fin 2017, le Président américain s’interrogait dans un de ses tweets dont il a le secret: « Pourquoi Kim Jong-un m’insulterait-il en me traitant de vieux alors que je ne le traiterai JAMAIS de petit gros ? ». Toutefois, le climat a depuis bien changé, et le gendarme du monde ne veut plus « détruire totalement » la Corée du Nord. Au contraire, il y a quelques mois, lors d’un meeting à Wheeling, en Virginie-Occidentale, il a déclaré que lui et Kim étaient « tombés amoureux ». Depuis, et malgré l’échec de cette rencontre, la relation entre les deux hommes semble être stable et même amicale, si l’on en croit les conseillers de Donald Trump.

La capitale vietnamienne a vécu 2 jours très intenses avec l’accueil des dirigeants américains et nord-coréens. Dans les rues de Hanoï, T-shirts, drapeaux et caricatures ont été exhibés pour l’occasion. Source: NY Times

S’il n’est pas entériné par un accord officiel, le changement de politique des autorités nord-coréennes ne fait aucun doute. Elles souhaitent ouvrir leur économie, à l’image du Viêt Nam, pour moderniser le pays et s’enrichir. Nul ne sait néanmoins si, dans les salles du luxueux Hôtel Mercure, en plein centre d’Hanoï, la question des libertés et des droits de l’Homme dans la dictature communiste a été évoquée par les deux dirigeants.

La tenue même de ce sommet est une avancée considérable, et malgré les difficultés à trouver un accord, les diplomates estiment que discussions avancent dans la bonne direction. Donald Trump a voulu se montrer rassurant, en affirmant que de nouveaux pourparlers auront lieu « dans le futur », et Kim Jong-un ne menace plus de bombarder un État voisin capitaliste, comme il le faisait régulièrement ces dernières années. Mais si une chose est désormais certaine, c’est que le dialogue entre Washington et les diplomates nord-coréens prendra du temps, et qu’il nécessitera toujours davantage de compromis.