Tragédie. Hier soir, le ciel parisien s’est obscurci dans la fumée et les cendres de l’incendie de Notre-Dame. Les images de la flèche s’effondrant sous les flammes et celles d’une cathédrale en ruines ont suscité l’émoi de toute la population. Il faut dire que de nombreux moments charnières de l’Histoire de France se sont joués sous cette nef du XIIème siècle, depuis le sacre de Napoléon jusqu’à l’enterrement de François Mitterrand ; la « Vieille Dame » venait de fêter son 856ème anniversaire.

Une fournaise en plein cœur de Paris

Ce sont des centaines de journalistes, du monde entier, qui ont couvert cet incendie. Les images impressionnantes et en direct de la cathédrale en flammes ont fait, lundi soir, l’ouverture de tous les journaux télévisés, suscitant l’émoi général et diffusant les visages effarés des Parisiens réunis autour de Notre-Dame. Vers 18h50, un incendie s’est déclenché dans les combles de l’édifice, avant de se propager très vite à toute la charpente. Cette « forêt » de chênes s’est embrasée comme jamais auparavant, avant que les flammes ne viennent s’attaquer à la flèche de l’architecte Viollet-le-Duc, culminant à 93 mètres de haut. Cette dernière s’est effondrée vers 20h, dans une épaisse fumée et un ciel roussi par les flammes. Les causes de ce sinistre sont pour l’heure inconnues ; selon les premières constatations des pompiers et des enquêteurs, il pourrait être lié à des travaux de rénovation en cours sur Notre-Dame. Sur ce point, le Parquet de Paris a annoncé l’ouverture d’une enquête pour « destruction involontaire par incendie », dès hier soir. Des ouvriers sont actuellement entendus par les services de police, mais les investigations dans la cathédrale s’annoncent d’ores et déjà complexes.

Hier, dans l’urgence, ce n’est pas moins de 400 sapeurs-pompiers qui ont été mobilisés, munis de 18 lances, pour éteindre le feu. La procédure de sauvetage des tableaux et des reliques a aussi été déclenchée : la couronne d’épines du Christ a pu être préservée des flammes. Mais il aura fallu des heures de lutte pour maîtriser l’incendie, l’utilisation de Canadairs, suggéré par Donald Trump, était inenvisageable. « Le largage d’eau par avion sur ce type d’édifice pourrait en effet entraîner l’effondrement de l’intégralité de la structure », a précisé la Sécurité Civile sur son compte Twitter. Les images impressionnantes du drame ont d’ailleurs beaucoup fait réagir, personnalités politiques comme anonymes, et l’événement a fait la une de tous les quotidiens régionaux, nationaux et internationaux.

Les rédactions du monde entier ont bouleversé leurs éditions de mardi, afin de diffuser les images de la flèche et de la cathédrale en feu. (Crédit photo : Le French Débat)

Concernant les dégâts, la flèche et la charpente sont totalement démolies. On estime que les 2/3 de la toiture ont été ravagées par les flammes, sans compter la fragilisation de l’édifice liée à la chaleur infernale de l’incendie. La Conférence des Évêques de France a estimé que la restauration de Notre-Dame nécessiterait « des années de travaux », mais surtout des centaines de millions d’euros. Une « collecte nationale » a ainsi été lancé par la Fondation du Patrimoine, et des milliardaires ont annoncé dans la nuit leur intention de faire un don. Alors qu’il devait s’exprimer dans une allocution solennelle à 20h, au sujet du Grand Débat National, Emmanuel Macron a modifié son agenda, annulant son intervention télévisée et se rendant sur le parvis de la cathédrale. « Nous la rebâtirons » a-t-il affirmé vers 23h30, lors d’un point presse, le visage grave. Ce matin, une réunion d’urgence a été organisée à Matignon pour envisager le financement d’éventuels travaux, l’État étant propriétaire de l’édifice.

Hier soir, 30% des œuvres de la cathédrale ont pu être sauvées, transportées à l’aide d’une chaîne humaine dans les coffres de l’Hôtel de Ville de Paris. C’est le cas des principales reliques de Saint Louis, du clou et du vestige de la Croix, de la couronne d’épines et de certains tableaux. Un inventaire précis sera dressé dans les prochains jours par les autorités. De nombreux doutes subsistent toutefois quant à la solidité de certaines voûtes et de la façade Nord. L’échafaudage installé pour les travaux risque également de s’écrouler à chaque instant aux abords de la cathédrale.

Cette image prise par un drone des pompiers montre l’étendue du sinistre. En s’effondrant, la flèche à laissé un trou béant dans la nef de la cathédrale. Source : RTL

Durant le drame, les réactions se sont enchainées dans la classe politique, entre émotion, espoir et soutien aux pompiers à l’œuvre. « Mon cœur se brise pour les Parisiens après avoir vu le feu à la cathédrale de Notre-Dame », a notamment réagit la Première Dame américaine, tout comme le couple royal britannique, qui adresse « ses pensées et ses prières […] à toute la France ». À l’échelle nationale, la campagne des Européennes a été suspendue, et les prises de paroles des personnalités publiques sont aussi très nombreuses. Elles le sont également dans le monde culturel et sportif, chacun exprimant à sa manière son désarroi face à la violence et la soudaineté d’un tel évènement. Le Vatican a fait part dans la soirée de son « incrédulité ».

Notre-Dame, témoin de 9 siècles d’Histoire

Si l’émoi après cet incendie est considérable, c’est parce Notre-Dame est le témoin privilégié de l’Histoire, depuis le Moyen-Âge jusqu’à aujourd’hui. Mais la Vieille Dame est avant tout un bijou architectural, dont la construction aura nécessité près de 200 ans de labeur, et beaucoup d’ambition. Symbole du « style français » qui ne tardera pas à devenir l’art gothique, elle devait accueillir la messe de Pâques dans quelques jours, la plus importante de l’année pour les chrétiens.

C’est sous le règne du très pieux Saint Louis que la cathédrale fut achevée, le roi y apportant la couronne d’épines du Christ, une des reliques les plus précieuses pour l’Église. Depuis, la cathédrale a entretenu des liens très étroits avec le pouvoir et l’État.
À l’été 1572, le futur roi protestant Henri IV y épouse une catholique, Marguerite de Navarre. Six jours plus tard se déroule le Massacre de la Saint-Barthélemy, suite à cette situation inédite, où 30 000 personnes seront massacrées.
Durant la Révolution Française, elle subit plusieurs actes de vandalismes, certains souhaitant même la transformer en carrière de pierres.
La cathédrale Notre-Dame de Paris fut également le lieu du sacre de Napoléon Ier, le dimanche 2 décembre 1804, par le Pape Pie VII. Une cérémonie grandiose de près de 5 heures, conclue par une salve de 101 coups de canon. Le mois de décembre fut alors entièrement consacré à la fête et aux réjouissances dans la capitale.

Le cœur de Notre-Dame lors du Sacre de Napoléon, peint par Jacques-Louis David. Après une accolade entre le Pape et Napoléon, l’assistance réunie dans la cathédrale a scandé « Vive l’Empereur » et « Vive l’Impératrice » dans un moment particulier de l’Histoire de France. (Crédit photo : Musée du Louvre – Wiki)

Si l’édifice est connu partout dans le monde, c’est surtout grâce à Victor Hugo et son roman Notre-Dame de Paris, véritable chef-d’œuvre de la littérature. Publié en 1831, il a largement contribué à l’avancée des travaux de rénovations qui s’y déroulent alors. Dans un style bien à lui, il écrivait : «Sur le sommet de la galerie la plus élevée, plus haut que la rosace centrale, il y avait une grande flamme qui montait entre les deux clochers avec des tourbillons d’étincelles» ; une citation presque prémonitoire, qui n’aura pas manqué de faire réagir, au lendemain de ce terrible incendie. Mais ce que dépeint Victor Hugo dans son œuvre, c’est aussi le quotidien des plus pauvres, dont l’Histoire est intimement liée à celle de la Vieille Dame. En effet, l’Hôtel-Dieu, hôpital situé juste en face de l’édifice, est au Moyen-Âge une œuvre caritative importante dans la capitale, qui poursuit son action encore de nos jours.

Notre-Dame est aussi le témoin privilégié de nombreux événements contemporains, à commencer par la Libération de Paris par le Général de Gaulle. Le 26 août 1945, il y fait célébrer un « Te Deum », les cloches sonnant la joie des Parisiens. Aujourd’hui, comme après les attentats de 2015 qui ont frappé la France en plein cœur, elles sonnent le glas. Enfin, l’hommage à de Gaulle après sa mort, les enterrements de Georges Pompidou et de François Mitterrand eurent tous lieu dans cette cathédrale, la plus célèbre au monde. Les images d’Helmut Kohl, le chancelier allemand, en pleurs devant le cercueil du premier Président socialiste comme celles de l’Américain Nixon sont à jamais gravées dans le marbre de ce monument, dont l’importance n’est pas seulement religieuse, mais bien nationale. Chacune des pierres de la cathédrale porte ainsi la lourde Histoire des ouvriers morts en l’édifiant, des Parisiens révoltés comme apaisés, euphoriques comme dans le deuil. Notre-Dame veille depuis près de 900 ans sur la Ville Lumière, et sur la France entière.